En ce qui concerne le vécu de la ménopause, il n’est pas aisé de départager ce qui relève des hormones de ce qui peut être attribuable à d’autres facteurs : les hormones ont bien souvent « le dos large ». 

« Ménopause » : ce mot est-il une évidence pour tout le monde, partout ? En fait, cette catégorie associée à des normes socioculturelles ne va pas de soi dans toutes les sociétés à travers l’histoire. Par exemple, une étude régulièrement citée sur cette question et comparant les Nord-Américaines aux Japonaises indique que 80 % des Nord-américaines éprouvaient des symptômes désagréables durant leur ménopause alors que seulement 20 % des Japonaises ressentaient des malaises (Lock, 1993). 

Comme nous l’indiquons dans un autre article, en comparaison des Nord-Américaines, l’alimentation plus riche des Asiatiques en protéines végétales et en phytoestrogènes, notamment à base de soya, expliquerait en partie ces façons différentes de vivre la ménopause. D’autres aspects d’ordre social et spirituel ont été mis en évidence. En effet, la femme de 50 ans est, au Japon, au milieu de sa vie reproductive, car on y inclut le fait d’élever enfants et petits-enfants et non pas seulement d’accoucher. De plus, les représentations traditionnelles du corps, dans ce pays oriental, diffèrent largement de celles qui prévalent en Occident. Dans la culture japonaise, le corps est relié au cosmos, connecté à son environnement, et baigne dans le ki (Chi). À l’inverse en Occident on fragmente le corps, il est conçu comme une « machine » séparée de son environnement.

Il est indéniable que les représentations sociales et culturelles autant que spirituelles de la ménopause influencent l’expérience de cette étape de la vie. Mais d’autres facteurs, tels le mode de vie incluant l’activité physique et l’alimentation, ainsi que le statut social déterminé notamment par le revenu, peuvent être pris en considération. Comme quoi la ménopause ne se réduit pas à un « problème d’hormones ovariennes ». Quels seraient les déterminants du vécu des femmes occidentales à la ménopause ? 

Que sont les déterminants de la santé ?

Définissons d’abord quels facteurs de vie influencent la santé en général. La culture, l’orientation sexuelle ou la classe sociale sont des facteurs et conditions nommés déterminants de la santé, car ils entraînent des conséquences sur la santé. Ces déterminants se situent tant sur le plan des caractéristiques de la personne (sexe, genre, âge, origine ethnique, etc.), de son mode de vie (travail, activité physique, usage de tabac et de drogues, sommeil, etc.), et de son environnement (réseau social, valeurs, logement, air, eau, etc.) que sur le plan politique (politiques gouvernementales, mesures fiscales et légales, média, etc.).

Les déterminants de la santé désignent tous les facteurs qui influencent l’état de santé de la population, sans nécessairement être des causes directes de problèmes particuliers ou de maladies. (Institut national de santé publique du Québec, 2012) (1)

Selon Santé Canada (2023), les principaux déterminants de la santé comprennent : le revenu et le statut social ; l’emploi et les conditions de travail ; l’éducation et la littératie ; les expériences vécues pendant l’enfance ; l’environnement physique ; le soutien social et la capacité d’adaptation ; les comportements sains ; l’accès aux services de santé ; la biologie et le patrimoine génétique ; le genre ; la culture ; la race et le racisme. (2)

Selon Santé Canada, le niveau de revenu et le statut social sont les déterminants les plus importants. En ce qui concerne la catégorie « femmes », la pauvreté (concept plus large que le revenu) et la violence sont reconnus comme étant les déterminants les plus importants pour leur santé. On peut ajouter le travail, déterminant majeur mais souvent négligé. Ces facteurs présentent-il des liens avec la ménopause ? En existe-t-il d’autres, associés à des manifestations plus nombreuses ou plus difficiles ainsi qu’à l’âge de la ménopause même ?

Existe-t-il des déterminants de la ménopause ?

Les déterminants sociaux de la santé des femmes comme la violence et la pauvreté sont-ils liés à une ménopause plus difficile ? Inversement, est-ce qu’un revenu élevé, la richesse, représente un facteur protecteur ? Voilà des questions complexes à cerner. Il semble plutôt que le stress, qui traverse et caractérise les rapports de pauvreté comme de violence, tout en étant fort présent dans de nombreux milieux professionnels axés sur la performance, y soit particulièrement associé. 

Quant aux facteurs liés à des risques accrus de violences, on reconnaît l’isolement, le déclin cognitif, l’appartenance à une minorité ethnique ou sexuelle, le handicap, la dépendance aux soins ainsi que les antécédents de violence personnels. Les personnes de la diversité sexuelle (personnes transgenres, non binaires…) subissent des violences particulières au cours de leur vie. Il existe peu d’études détaillant le vécu à la ménopause pour toutes ces catégories sociales. Le stress représente à nouveau un dénominateur commun.

Nous ne possédons pas de données détaillées en lien avec toutes les violences, mais nous savons que « Les femmes victimes d’abus sexuels graves dans l’enfance courent deux fois plus de risques d’une ménopause précoce (à l’âge de 40 ans) que les femmes sans antécédents d’abus signalés » (3)

Cette information en soi peut révéler une plus grande vulnérabilité aux maladies cardiovasculaires et à l’ostéoporose, puisqu’il est reconnu que la ménopause précoce (entre 40-45 ans) y est associée.(4) De fait, la date des dernières règles serait déterminée par un mélange d’éléments difficiles à départager, entre les facteurs génétiques, environnementaux et socioéconomiques. Le tabagisme aurait pour effet d’abaisser de deux ans l’âge de la ménopause. Une mauvaise santé générale, certaines maladies auto-immunes, l’exposition importante aux perturbateurs endocriniens semblent également augmenter le risque de vivre une ménopause précoce. (4)

Quelle que soit votre situation de vie, il est recommandé d’identifier sur quels facteurs il est possible d’agir, que ce soit arrêter de fumer, faire le point sur ses propres sources de stress, rencontrer une personne de confiance pour en parler ou encore adopter une activité physique quotidienne. Au-delà de ces aspects purement matériels, poser un regard introspectif et global sur sa vie et oser entrer dans ses zones de fragilité peut mener vers un chemin surprenant que certaines auteures appellent la « sagesse de la ménopause ». Cette rencontre avec soi peut contribuer à diminuer le stress de nos vies surchargées.


Références

(1) Institut national de santé publique du Québec (2012). Déterminants de la santé. Québec.

(2) Santé Canada (2023). Déterminants sociaux de la santé et inégalités en santé. Canada. 

(3) https://www.protegerlenfant.fr/2022/06/06/violences-sexuelles-et-menopause/ 

(4) Dre Jen Gunter (2022), Le manifeste de la ménopause : factuel et féministe, un livre pour défendre votre cause, Traduction de l’américain, Montréal, Les Éditions du Trécarré, p. 85-102 .


Pour en savoir plus sur les déterminants de la santé

  • La santé autrement dit (PDF), Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Gouvernement du Québec, 2007.
  • La santé et ses déterminants : Mieux comprendre pour mieux agir (PDF)
    En offrant une vue d’ensemble des facteurs qui influencent la santé de la population, ce document de référence rappelle que l’amélioration de la santé repose sur l’engagement de nombreux acteurs sociaux et vient soutenir leur action. Les déterminants de la santé y sont réunis dans un schéma appelé carte de la santé et de ses déterminants. Il s’agit d’un schéma simple, conçu comme un aide-mémoire auquel il est facile de se référer.
  • Choudhury, S., Erausquin, J. T., & Withers, M. (2018). Global perspectives on women’s sexual and reproductive health across the lifecourse. Springer. https://doi.org/10.1007/978-3-319-60417-6 
  • Luoma, M. L., Koivusilta, M., Lang, G., Enzenhofer, E., De Donder, L., Verté, D., Reingarde, J., Tamutiene, I., Ferreira-Alves, J., Santos, A. J., & Penhale, B. (2011). Prevalence study of abuse and violence against older women: Results of a multicultural survey in Austria, Belgium, Finland, Lithuania, and Portugal (European report of the AVOW project)
  • Raphael, D., Bryant, T., Mikkonen, J. et Raphael, A. (2021). Déterminants sociaux de la santé : les réalités canadiennes, 2e édition. Faculté des sciences de la santé de l’Université Ontario Tech et École de gestion et de politique de la santé de l’Université York. En ligne : https://www.thecanadianfacts.org/Les_realites_canadiennes-2021.pdf