Par Stephanie-May Ruchat, professeure au Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Titulaire de la Chaire de recherche de l’UQTR en activité physique et santé maternelle et néonatale et cotitulaire de la chaire en Périnatalité et Parentalité du Regroupement intersectoriel de recherche en santé de l’Université du Québec (RISUQ).

Vous avez toujours été active et vous demandez s’il est sécuritaire de continuer à l’être maintenant que vous êtes enceinte ? Votre entourage, ou les personnes que vous croisez vous regardent de travers, car vous faites de l’activité physique alors que vous êtes enceinte ? Des fausses croyances ou des préjugés peuvent encore être véhiculés sur les femmes enceintes qui font de l’activité physique. Or aujourd’hui, il n’y a plus aucun doute : l’activité physique est un comportement que nous aurions tout intérêt à adopter puisqu’elle est essentielle à notre bonne santé physique et psychologique, et ce même une fois enceinte (1).

Nuances entre inactivité et sédentarité 

Il est important de distinguer l’inactivité physique de la sédentarité, car ce n’est pas la même chose. L’inactivité physique est l’opposé de l’activité physique et se définit comme un niveau insuffisant d’activité physique. La sédentarité (ou comportement sédentaire), quant à elle, correspond à toute situation d’éveil caractérisée par une dépense énergétique très faible (proche de celle du repos) en position assise, inclinée ou allongée. Une personne inactive ne fait donc pas la quantité d’activité physique qui est recommandée alors qu’une personne sédentaire passe beaucoup de temps en position assise dans sa journée. Une personne peut donc être active (elle atteint les recommandations en matière d’activité physique) tout en étant sédentaire (elle travaille 8 heures par jour devant un ordinateur, en plus de se déplacer en voiture, donc elle passe une bonne partie de son temps d’éveil en étant assise). 

De nombreux pays et organisations ont émis des recommandations en matière d’activité physique et de comportement sédentaire, que ce soit pour les enfants, les adolescents, les adultes, les personnes âgées, mais aussi pour les femmes enceintes (1-2). Cet article est consacré plus spécifiquement à l’activité physique durant la période prénatale (3).

Pourquoi devrais-je être physiquement active pendant ma grossesse ? 

Les évidences scientifiques les plus complètes et récentes montrent qu’une pratique régulière de l’activité physique pendant la grossesse est non seulement sécuritaire (pas de risque augmenté de fausse couche, de prématurité, ou encore de bébé de faible poids à la naissance (4, 5)), mais aussi bénéfique pour la santé gestationnelle. En effet, elle permet de diminuer le risque (5-8):

  • de prendre trop de poids (↓ de 32%);
  • de développer un diabète de grossesse (↓ de 38%);
  • de développer de l’hypertension artérielle et une prééclampsie (↓ de 40%);
  • de développer une dépression (↓ de 67%);
  • de mettre au monde un gros bébé (ayant un poids supérieur à 4 kg) à la naissance (↓ de 39%)

Elle permet aussi (9-13)

  • une meilleure condition physique;
  • une meilleure estime de soi;
  • une diminution de la sévérité des maux de dos;
  • une amélioration du contrôle glycémique si vous êtes atteintes de diabète de grossesse;
  • une réduction des interventions médicales lors de l’accouchement.

Combien d’activité physique devrais-je faire? 

Selon les recommandations canadiennes, au moins 150 minutes par semaine d’activité physique modérée* devraient être réalisées en période de grossesse, à moins d’une contre-indication médicale. Ces recommandations valent aussi bien pour les femmes qui étaient inactives avant leur grossesse, qui sont en surpoids ou obèse, ou qui ont été diagnostiquées avec un diabète de grossesse. 

* Durant une activité d’intensité moyenne, vous devez être capable de parler, mais pas de chanter. L’effort doit être assez important pour augmenter de manière significative votre rythme cardiaque (p. ex., marche rapide, vélo stationnaire, aquaforme, raquette, etc.).

L’activité physique devrait être pratiquée au moins trois fois par semaine. Une pratique quotidienne est toutefois encouragée.

Comment savoir si je présente une contre-indication médicale à l’activité physique?

Une première étape importante est de vous assurer qu’il est sécuritaire pour vous de continuer, ou commencer, à pratiquer de l’activité physique. Pour ce faire, vous pouvez remplir le Questionnaire Menez une vie plus active pendant votre grossesse. Il s’agit d’un outil d’évaluation préalable à la pratique d’activité physique durant la grossesse qui permet d’identifier les femmes qui pourraient avoir besoin d’une évaluation plus poussée ou de consulter leur fournisseur de soins obstétricaux avant de commencer, ou de continuer, à faire de l’activité physique. Soyez rassurée, il est très généralement possible de pratiquer en toute sécurité l’activité physique sans devoir consulter préalablement le personnel de soins obstétricaux! Pour plus d’information sur l’utilisation de ce questionnaire, vous pouvez consulter le site internet de la Société canadienne de physiologie de l’exercice.

Quelles activités physiques devrais-je faire ?

Pour bénéficier au maximum de l’activité physique, il est recommandé de pratiquer une variété d’exercices cardiovasculaires (qui font augmenter le rythme cardiaque) et d’exercices de renforcement musculaire (qui permettent d’augmenter la force des muscles). Faire du yoga ou des étirements en douceur peut également procurer des bienfaits. La grande majorité des activités physiques sont sécuritaires pour vous et votre futur bébé. Choisissez des activités sécuritaires, variées et qui vous procurent du plaisir afin de les pratiquer régulièrement tout au long de votre grossesse. 

Certaines activités physiques devraient toutefois être évitées durant la grossesse (3):

  • Activités pratiquées dans un environnement excessivement chaud et humide (ex. : hot yoga)
  • Activités qui comportent des risques de chutes ou de traumatismes au ventre (ex. : équitation, ski alpin, hockey sur glace, gymnastique, basketball, soccer, sports de raquette, vélo de route et haltérophilie)
  • Plongée sous-marine
  • Activités physiques en haute altitude (soit à plus de 2 500 mètres d’altitude) si le lieu de résidence se trouve sous cette altitude

Comment devrais-je m’y prendre ?

Si vous êtes une personne physiquement inactive, ou peu active, il est important de commencer à être active le plus tôt possible durant votre grossesse, soit dès le 1er trimestre de la grossesse. Allez-y progressivement, en augmentant petit à petit votre niveau d’activité physique jusqu’à atteindre, si possible, 150 minutes d’activité physique d’intensité moyenne par semaine. Sachez que même si vous faites moins que ce qui est recommandé, vous retirerez tout de même des bienfaits pour votre santé et celle de votre futur enfant. Rappelez-vous « Un peu, c’est mieux que rien du tout ! » 

Si vous étiez déjà active avant votre grossesse, vous pourrez certainement continuer vos activités physiques. Vous devrez peut-être en adapter certaines si celles que vous pratiquiez avant votre grossesse sont des activités contre-indiquées durant la grossesse (voir ci-dessus). 

Avec l’avancement de votre grossesse, certaines activités physiques vont devenir plus difficiles, et/ou moins confortables, en raison de la prise de poids et d’un ventre plus imposant. Il s’agira alors d’en adapter l’intensité, la durée ou le type, ou d’en modifier les positions pour vous assurer de votre confort et éviter les douleurs (ou leur aggravation). Les activités aquatiques, le yoga prénatal, sont souvent pratiqués au 3e trimestre de la grossesse quand il devient plus difficile et inconfortable de bouger. Écoutez-vous et respectez vos limites!

Comment faire pour rester motivée à faire de l’activité physique?

Même si vous savez que l’activité physique procure de nombreux bienfaits pour votre santé et celle de votre futur enfant, il vous est parfois difficile de bouger. Vous manquez de temps, vous êtes fatiguée, vous n’avez pas le soutien de votre entourage, vous n’êtes pas dans un environnement favorable. Voici quelques trucs pour surmonter ces barrières. 

  • Vous manquez de temps : considérez votre activité physique comme un « essentiel », comme s’il s’agissait d’un rendez-vous que vous ajustez à votre horaire et selon le temps disponible. Parfois, il peut être plus facile de trouver dans sa journée 3 périodes de 10 minutes plutôt qu’une période de 30 minutes. 
  • Vous êtes fatiguée : n’oubliez pas, une petite marche à l’extérieur dans les moments de fatigue, c’est mieux que rien. Même si c’est difficile à croire, quand vous vous sentez fatiguée, l’activité physique peut, en fait, vous donner plus d’énergie que si vous restiez assise ou allongée. Toutefois, si vous êtes trop fatiguée au moment de la journée où vous aviez prévu être active, reposez-vous. Vous aurez certainement d’autres moments dans la journée, ou dans la semaine, pour vous reprendre. 
  • Vous avez des inconforts/douleurs : les inconforts et douleurs physiques liés à la grossesse sont malheureusement courants, surtout ceux situés dans la région du bas du dos et du pelvis. Plusieurs choses peuvent être faites pour les atténuer : avoir une bonne posture, c’est-à-dire garder le dos droit, les épaules en arrière, limiter la courbure au niveau du bas du dos ; éviter les mouvements, postures, activités qui vous font souffrir ; et trouver une activité qui n’aggravera pas vos douleurs et qui vous est accessible : par exemple : le yoga prénatal, la marche lente, les activités aquatiques n’aggraveront pas vos douleurs et pourront même les soulager. 
  • Vous n’avez pas le soutien de votre entourage : Annoncez à votre entourage que vous souhaitez commencer, ou continuer, à pratiquer de l’activité physique pendant votre grossesse, et que vous avez besoin de leur soutien et d’encouragement, surtout lorsque vous n’avez pas envie, ou pas le temps, de faire une activité physique. Vous pouvez aussi leur demander de vous fournir une aide pratique, comme garder vos enfants ou aller faire l’épicerie, afin d’avoir plus de temps libre dans votre journée ou semaine pour faire de l’activité physique. Cela pourrait vraiment vous aider ! Et pourquoi ne pas inviter les personnes de votre entourage à pratiquer de l’activité physique avec vous. Peut-être peuvent-elles aussi vous en suggérer de nouvelles, dans de nouveaux endroits qui pourraient vous plaire ?
  • Vous n’êtes pas dans un environnement favorable : observez autour de vous, ou regardez sur une carte géographique, il y a peut-être des endroits proches de chez vous que vous ne connaissez pas et où vous pourriez faire de l’activité physique : un parc, un boisé, une piste cyclable, un quartier résidentiel calme. Pensez aussi au transport actif : est-il possible pour vous de faire certains trajets à pied ou en autobus ? Finalement, au Québec les étés sont chauds et humides et les hivers sont froids. Toutefois, il est possible d’avoir du plaisir quand même en étant bien équipée ! Et n’oubliez pas les centres commerciaux qui peuvent être une bonne alternative d’endroit où aller marcher dans la fraicheur ou la chaleur, selon le besoin !

Qu’en est-il des comportements sédentaires, mais aussi du sommeil ?

Le Canada est le premier pays au monde à avoir émis des directives intégrées en matière de mouvement, qui intègre l’activité physique, ainsi que la sédentarité et le sommeil (2). Il existe malheureusement encore peu d’évidences scientifiques quant aux effets de la sédentarité et du sommeil sur la santé gestationnelle, d’où l’absence de directives en matière de mouvement pour les femmes enceintes. Une revue de la littérature a toutefois mis en évidence, sans surprise, que les comportements sédentaires pouvaient avoir un impact défavorable sur la santé des femmes et de leurs futurs enfants (14). Pour ce qui est du sommeil, on sait que la grossesse influence négativement le sommeil (qualité et quantité) (15) et que les problèmes de sommeil sont associés à des complications de grossesse (16). La bonne nouvelle est que la pratique d’activité physique durant la grossesse améliore le sommeil (17) !

Comme il n’existe pas de recommandation en matière de sédentarité et de sommeil pendant la grossesse, il est raisonnable d’utiliser celles pour la population adulte (2), soit :

  • Un maximum de 8 heures de sédentarité par jour, incluant un maximum de 3 heures de temps de loisir devant un écran. Interrompre aussi fréquemment que possible les longues périodes en position assise (par exemple : levez-vous pour de petites tâches, rendez visite à vos collègues au lieu de les appeler par téléphone, prenez les escaliers au lieu de l’ascenseur, placez l’imprimante et autres objets dans une autre pièce);
  • 7 à 9 heures de sommeil de bonne qualité, régulièrement, et des heures régulières de coucher et de lever. 

Message clé à retenir

  • L’activité physique est une composante essentielle d’une grossesse en santé ;
  • L’activité physique durant la grossesse est non seulement sécuritaire, mais aussi hautement bénéfique pour votre santé et celle de votre futur enfant.
  • À moins de contre-indication à l’exercice, il est recommandé d’être physiquement active durant la grossesse et d’accumuler au moins 150 minutes par semaine d’activité physique variée d’intensité modérée ;
  • Allez-y progressivement ;
  • Rappelez-vous « Un peu c’est mieux que rien du tout » ;
  • Limitez vos comportements sédentaires en interrompant la position assise le plus souvent possible.

Pour plus de détails sur l’activité physique durant la grossesse, vous pouvez consulter les ressources offertes par :


Références

  1. Lignes directrices de l’OMS sur l’activité physique et la sédentarité [WHO guidelines on physical activity and sedentary behaviour]. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2021. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO
  2. Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures : une approche intégrée regroupant l’activité physique, le comportement sédentaire et le sommeil. https://csepguidelines.ca/language/fr/directives/adultes_18-64/ 
  3. Mottola MF*, Davenport MH*, Ruchat S-M*, et al. (*co-premiers auteurs) N° 367-2019 Canadian Guideline for Physical Activity throughout Pregnancy / Lignes Directrices Canadiennes Sur L’activité Physique Durant La Grossesse. J Obstet Gynaecol Can. 2018;40(11):1538-1548 
  4. Davenport MH, Kathol AJ, Mottola MF, et al. Prenatal exercise is not associated with fetal mortality: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2019;53(2):108-115
  5. Davenport MH, Meah VL, Ruchat S-M, et al. Impact of prenatal exercise on neonatal and childhood outcomes: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2018;52(21):1386-1396
  6. Ruchat S-M, Mottola MF, Skow RJ, et al. Effectiveness of exercise interventions in the prevention of excessive gestational weight gain and postpartum weight retention: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2018;52(21):1347-1356
  7. Davenport MH*, Ruchat S-M*, Poitras VJ, et al. (*co-premiers auteurs) Prenatal exercise for the prevention of gestational diabetes mellitus and hypertensive disorders of pregnancy: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2018;52(21):1367-1375
  8. Davenport MH, McCurdy AP, Mottola MF, et al. Impact of prenatal exercise on both prenatal and postnatal anxiety and depressive symptoms: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2018;52(21):1376-1385
  9. Cai C, Ruchat SM, Sivak A, Davenport MH. Prenatal Exercise and Cardiorespiratory Health and Fitness: A Meta-analysis. Med Sci Sports Exerc. 2020;52(7):1538-1548
  10. Sun W, Chen D, Wang J, et al. Physical activity and body image dissatisfaction among pregnant women: A systematic review and meta-analysis of cohort studies, Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2018; 229: 38-44
  11. Davenport MH, Marchand AA, Mottola MF, et al. Exercise for the prevention and treatment of low back, pelvic girdle and lumbopelvic pain during pregnancy: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2019;53(2):90-98
  12. Davenport MH, Sobierajski F, Mottola MF, et al. Glucose responses to acute and chronic exercise during pregnancy: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2018;52(21):1357-1366
  13. Davenport MH, Ruchat S-M, Sobierajski F, et al. Impact of prenatal exercise on maternal harms, labour and delivery outcomes: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2019;53(2):99-107
  14. Fazzi C, Saunders DH, Linton K, et al. Sedentary behaviours during pregnancy: a systematic review. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2017; 14:32
  15. Mindell JA, Cook RA, Nikolovski J. Sleep patterns and sleep disturbances across pregnancy. Sleep Med. 2015;16(4):483e8
  16. Lu Q, Zhang X, Wang Y, et al. Sleep disturbances during pregnancy and adverse maternal and fetal outcomes: A systematic review and meta-analysis. Sleep Med Rev. 2021 ;58:101436
  17. Yang SY, Lan SJ, Yen YY, et al. Effects of Exercise on Sleep Quality in Pregnant Women: A Systematic Review and Meta-analysis of Randomized Controlled Trials. Asian Nursing Research. 2020; 14 : 1e10