L’histoire démontre que la relation des femmes à leur corps a presque toujours été une douloureuse et incessante recherche de perfection. Mais de quelle perfection parle-t-on ? L’ampleur sans précédent du tir de barrage publicitaire, jumelé aux possibilités offertes par les techniques médicales et la mondialisation d’un archétype de beauté ethnocentrique, répondent à cette question. La perfection est blanche, mince, ferme, lisse, jeune. Le reste n’est que variations sur un même thème, au gré des modes, des saisons et des injonctions de la presse féminine, véritable sous-marin publicitaire de l’industrie cosmétique.

Le RQASF étudie la problématique de l’image corporelle (ses enjeux sociaux et ses impacts sur la santé des femmes) depuis quinze ans. Ses analyses, publications et recommandations ont fait en sorte que ce phénomène est désormais considéré comme un véritable problème de santé publique. Qu’il s’agisse de l’obsession de la minceur, de l’oppression de la grosseur, du culte de la jeunesse, du corps à la carte via les interventions esthétiques, de l’infantilisation des femmes adultes, de l’hypersexualisation des jeunes filles, dénoncer l’exploitation de l’image corporelle des femmes à des fins de contrôle social a toujours été au cœur de nos interventions. Un contrôle social qu’on tolère, voire qu’on encourage en raison des investissements colossaux qu’il monopolise, et des enjeux économiques qu’il représente.

Presse féminine, publicité, industrie des cosmétiques, alimentation, soins de beauté, mode, conditionnement physique, chirurgie et médecine esthétiques… que deviendraient ces secteurs d’activité sans tout l’argent qu’y investissent les femmes, très souvent à leurs risques et périls, et sans recours en cas de préjudices ? Il n’y a pas à dire : l’image corporelle des femmes, c’est le nec plus ultra de la grappe industrielle. Les grandes marques, fabricants, et fournisseurs de tout acabit l’ont bien compris, eux qui investissent sans compter en exploitant la BEAUTÉ comme signe et gage de santé, de bonheur, de succès. Or ces investissements ont des impacts majeurs sur le plan social, notamment sur les conditions de vie des femmes, sur leur santé physique, et leur santé mentale. Sans compter les impacts sur le système public de santé…

Le RQASF n’hésite pas à affirmer que, malgré ses efforts et tous ceux du mouvement féministe des dernières années pour faire reconnaître l’égalité des femmes, leur corps n’a jamais été si marchandisé, si morcelé, si fragmenté. Malgré les acquis au niveau des droits, les femmes n’ont jamais perdu leur valeur ornementale.

Qui plus est, la survalorisation de la beauté engendre un préjugé favorable envers les femmes qui répondent aux normes médiatiques. Il s’agit là d’un enjeu important en matière d’égalité, étant donné que les femmes se voient contraintes d’endosser ces normes pour assurer leur ascension sociale et professionnelle. Dans une société où le paraître prévaut sur l’être, où la performance est vertu et la compétitivité, une question de survie, les femmes sont plus que jamais tributaires du rendement de leur image.

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Nul n’échappe désormais à sa responsabilité face à l’image qu’il donne aux autres, il vaut ce que vaut son image. Les femmes qui se vouent à cette quête éperdue de beauté ne sont pas nécessairement aliénées et formatées par les médias ou le marketing, elles savent aussi que leur réussite sociale ou personnelle implique leur dissolution dans les normes physiques. – David Le Breton

Faut-il baisser les bras pour autant ? Certainement pas ! Le RQASF reçoit de plus en plus de demandes d’information, plusieurs fort préoccupantes quant aux motivations des femmes à se soumettre à différentes formes de transformations corporelles. Si la grande majorité nous contacte pour obtenir une « bonne référence », la très grande majorité a déjà pris sa décision de subir une intervention, de la rhinoplastie au remodelage vaginal, en passant par l’augmentation mammaire, et plusieurs ont même leur rendez-vous lorsqu’elles nous contactent.

Ces femmes s’étonnent qu’on ne puisse confirmer la compétence de la ressource choisie, ou leur suggérer de « bons ou bonnes » spécialistes. Très peu sont en mesure d’expliquer pourquoi elles veulent subir une intervention, comme si c’était aussi simple que de modifier sa coiffure, ou de se faire faire une teinture. Il n’empêche : au fil des conversations, les questions fusent, le doute s’insinue, petit à petit. Les femmes veulent savoir, comprendre, choisir et décider sur la base d’une information qui n’est pas biaisée par son manufacturier, ou par son messager.

Ces appels confirment une chose: les femmes de tous âges se renseignent de plus en plus, et de mieux en mieux. Sensibiliser, informer et outiller sont donc plus que jamais nécessaires.