Certains mythes sur la ménopause tendent à disparaître grâce au travail de sensibilisation des diverses ressources préoccupées par la santé globale des femmes. Néanmoins, certains mythes semblent plus difficiles à déconstruire en raison, notamment, des idées que véhicule la société occidentale sur le vieillissement et sur la prise en charge de la santé.

La plupart (si ce n’est la totalité) de ces mythes sont le résultat du paradigme biomédical. Celui-ci influence par ailleurs les médias sociaux. En réalité, le concept de ménopause a été proposé pour la première fois par un médecin français, Charles de Gardanne, dans son livre « Avis aux femmes qui entrent dans l’âge critique » paru en 1816. Dans cet ouvrage, il remplace l’expression « âge critique » par « menespausie » puis propose le terme « ménopause » dans la réédition de 1821. Finalement, ce terme a été intégré dans le dictionnaire en 1823 avec la définition « cessation des règles — temps critique des femmes ».

Avant cela, la ménopause n’existait pas en soi. Depuis cette date fatidique, la médecine moderne a suivi son parcours en proposant différents modèles pour décrire et expliquer les phénomènes naturels reliés à la ménopause. Le modèle le plus récent est la représentation de la femme assignée à son système hormonal. Même si les modèles changent, un certain champ lexical demeure cramponné à cette période (chute, dégénérescence, désordre, risque, perte, danger, etc.) et présente la femme comme un individu passif et fragile.

Voilà un résumé des mythes créés dans nos sociétés occidentales :

« La ménopause est une maladie »

La ménopause est un phénomène physiologique aussi naturel que la naissance, la puberté et les menstruations. Même si la fin du cycle reproductif est une étape normale dans le développement physiologique des femmes, la ménopause est perçue par certains acteurs de la société comme une maladie pour laquelle il est logique de chercher un remède ou un traitement. En décrivant la ménopause comme une carence ou un dérèglement hormonal à la source de nombreux troubles physiques et psychologiques, le discours biomédical entretient l’idée qu’elle est un problème de santé à soigner. Ce discours sème l’inquiétude auprès des femmes, majoritairement en santé, en leur laissant croire que toutes vivront difficilement cette période de leur vie.

Par ailleurs, la grande majorité des médecins va fortement recommander l’hormonothérapie ou d’autres médicaments pour passer cette phase. Cette médicalisation alimente de nombreux discours actuels suggérant une longue descente aux enfers pour les femmes qui ne suivraient pas la voie médicamenteuse. Ils renforcent la conception d’un corps féminin morcelé et sous contrôle médical.

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« La ménopause, c’est le début de la vieillesse »

Allons donc ! En Amérique du Nord, l’espérance de vie des femmes varie de 81,2 ans (États-Unis) à 82,2 ans (Canada) et l’âge moyen de la ménopause est de 51 ans. Bien que l’on puisse espérer vivre encore 30 ans après sa ménopause, celle-ci est encore perçue comme le début de la vieillesse. 

Un aspect important peut être relevé ici, soit l’injonction à la fécondité dans les sociétés occidentales. La femme est perpétuellement définie par son corps reproducteur. Lorsque son devoir reproductif et sexuel (d’un point de vue purement biologique) ne serait plus rempli, le corps des femmes s’autodétruirait selon le discours médical. Une femme peut tout à fait donner naissance en post ménopause, que cela soit dans des projets, de nouvelles relations, des adoptions, etc. La fin de la capacité reproductive ne signe pas la fin du rôle actif des femmes dans la société, bien au contraire.

« La ménopause, c’est la fin de la féminité et de la sexualité »

La façon de définir et de vivre la féminité et la sexualité avant et après la ménopause est particulière à chaque femme. Les origines culturelles, les valeurs personnelles, la société dans laquelle on évolue et les expériences de la sexualité façonnent les opinions, les attentes et les désirs sexuels et influencent la façon de vivre sa sexualité après la ménopause. Aussi, une sexualité épanouie avant la ménopause risque de le demeurer par la suite.

En revanche, il ne faut pas nier que les représentations omniprésentes de corps jeunes et sveltes comme critères de beauté et de désirabilité mettent à l’épreuve l’image que chaque femme développe et possède d’elle-même. Si se sentir désirées et désirables aide plusieurs femmes à vivre plus positivement leur sexualité, il importe de déconstruire la croyance qu’un corps vieillissant est non désirable. Le charme, la tendresse et la sensualité ne contribuent-ils pas aussi au désir et à la beauté de chacune ? Enfin, avec l’âge, on constate un ralentissement des réactions sexuelles tant chez la femme que chez l’homme. En effet, le taux des hormones du désir (les androgènes) diminue progressivement à mesure qu’on vieillit. Ces changements physiologiques sont normaux et n’indiquent pas la fin du désir sexuel.

En ce qui concerne la baisse de libido, on peut surtout l’associer à la transition potentiellement difficile que cette période amène. Différents phénomènes physiologiques reliés à la ménopause comme les symptômes vasomoteurs (bouffées de chaleur, etc.), les problèmes de sommeil, la sécheresse vaginale ont un impact certain sur la libido.

Or, comme le précise les docteurs Marina Carrère d’Encausse et Michel Cymes : « malgré une possible mise en veilleuse de la vie sexuelle, la ménopause ne signifie pas, loin de là, la fin de la sexualité, mais plutôt une évolution, un réajustement des rapports amoureux ! » (p. 41)

« Dans nos sociétés, les traitements hormonaux présentés comme solutions aux déséquilibres vécus par les femmes renforcent les liens entre fécondité et féminité » (Beck, 2021, p. 18 ; Gaudillière, 2003)

Nous précisons ici que le traitement hormonal ne doit pas non plus être considéré comme un ennemi ultime et reste très utile pour un grand nombre de femmes. 

« Ménopause = gain de poids »

La prise de poids n’est pas due à la ménopause elle-même, mais à la réduction du métabolisme liée à l’âge, lorsque l’organisme brûle moins rapidement les calories. Il s’agit d’un phénomène normal du processus de vieillissement. Le gain de poids peut être relié également au stress, qui a une incidence sur les habitudes alimentaires de certaines femmes ou à l’inactivité physique. Et du stress, la grande majorité des femmes en vit beaucoup !

« La ménopause, c’est la fin de la productivité »

Il y a toutes sortes de façons de contribuer à l’enrichissement de la vie en société et elles sont toutes aussi valables. Les femmes ménopausées sont à une étape de leur vie où elles ont acquis beaucoup d’expérience et de connaissances et ont développé une réflexion pouvant profiter à plusieurs. Elles ont un bagage de compétences qui ne demandent qu’à être reconnues. Dans notre société néolibérale, la productivité est associée à la rentabilité, donc à la valeur marchande d’une activité. La performance, le rendement et le travail rémunéré sont trop souvent les principaux critères d’évaluation de la productivité d’une personne. Et pourtant, si toutes les compétences et les contributions des femmes ménopausées étaient reconnues, nous verrions à quel point cette période de la vie est riche et productive !

« À la ménopause, on devient folle »

S’affirmer, contester ou mettre en doute les normes établies, dire les vraies choses, prendre sa place au risque de bousculer les gens autour de soi, exprimer sa vulnérabilité par rapport aux changements qui bousculent sa vie familiale, sociale ou professionnelle, tout ça est-il synonyme de folie ? Bien sûr que non! Par contre, une personne qui se questionne et tente d’améliorer sa qualité de vie peut briser l’équilibre autour d’elle. Cela peut déranger, surtout s’il y a perte de privilèges pour certains ou remise en question des relations établies. Il est tentant alors de faire croire que tout se passe dans la tête des femmes.

En guise de conclusion :

Dans notre culture où l’on se préoccupe beaucoup de la santé et où l’information en la matière circule abondamment, la conviction qu’il y a une adéquation entre ménopause-vieillissement d’une part et risques pour la santé d’autre part, peut s’avérer anxiogène. Les discours qui dépeignent la ménopause comme une condamnation aux maladies […] participent à la construction d’une représentation de la ménopause comme porteuse de maladies. 

Il s’agit de déconstruire ces mythes en affirmant que la période de la ménopause possède effectivement certaines modifications aux niveaux physique et mental. Ces modifications varient selon les femmes et les cultures. La manière de les appréhender varie également et l’une des principales actions que nous pouvons mener est de briser lentement, mais sûrement, le tabou, d’en parler librement. Paru en 2021, le livre de Jen Gunter (gynécologue-obstétricienne américaine) intitulé « Le manifeste de la ménopause » est devenu un incontournable pour démanteler les mythes tenaces qui perdurent au sujet d’un passage inévitable dans la vie des femmes.

Les femmes ne sont pas condamnées à vivre cette période dans le silence.

La ménopause n’est pas une fatalité, mais une nouvelle période de vie pour les femmes.

Sources

Beck, A. (2021). La ménopause: représentations, injonctions, émancipations. Trajectoires de vies au cœur des discours médicaux, sociétaux et féministes, Université catholique de Louvain. Master de spécialisation en étude de genre. Louvain. 

Carrère d’Encausse, M., & Cymes, M. (2005). La ménopause. Marabout. Paris. 

Charlap, C. (2015). La fabrique de la ménopause: Genre, apprentissage et trajectoires, Université de Strasbourg. Thèse. Strasbourg. 

Gaudillière, J.-P. (2003). La fabrique moléculaire du genre : hormones sexuelles, industrie et médecine avant la pilule. Cahiers du Genre, 34(1), 57. https://doi.org/10.3917/cdge.034.0057

DE KONINCK, M. (2000). « La ménopause, une expérience à considérer dans son contexte socioculturel  », Le médecin du Québec, Vol. 35, no 3 (mars), p. 47-50.

https://www.journaldequebec.com/2022/09/24/demanteler-des-mythes-tenaces