Bénévole du RQASF et conférencière dans le cadre de notre assemblée générale annuelle, le 24 septembre prochain, Aïssatou Sidibé nous livre son témoignage et ses réflexions sur les fibromes utérins.


Qui est Aïssatou Sidibé ?

Sénégalo-Mauritanienne d’origine, jeune femme active, sportive, travaillant dans le milieu de la santé, je ressens le besoin de parler des fibromes utérins afin de rencontrer, échanger, discuter et agir avec d’autres femmes qui vivent la même situation que moi après avoir vécue deux hospitalisations liées à ces fibromes : l’une pour anémie sévère avec un taux ne dépassant pas 57g/dl, et une autre pour une thrombophlébite profonde à cause de la pilule contraceptive. En allant sur le terrain, femme d’action que je suis, je me suis aperçue que beaucoup de femmes ne connaissaient pas les fibromes et ne le savaient peut être même pas, car dans la majorité des cas les fibromes sont sans symptômes et du jour au lendemain ils peuvent devenir problématique. Le besoin de sensibiliser la population à travers les médias en partie est devenu indispensable à mes yeux.

Fibromes utérins : qu’est-ce que c’est ?

Vous qui me lisez vous ne savez peut être pas c’est quoi des fibromes utérins : ce sont des tumeurs non cancéreuses au niveau de l’utérus qui touche 1 femme sur 5 en âge de procréer soit 20 % de la population féminine selon le Réseau Canadien pour la Santé des Femmes et qui vous gâche votre quotidien à travers des symptômes très inconfortables telle que douleurs pelviennes, pesanteurs abdominales, saignements actifs lors des menstruations… mais aussi fausse couche et infertilité. Les mots utérus, règles, tumeurs sont devenus très familiers dans mon langage courant.

Je ne comprenais pas pourquoi cette maladie était autant impopulaire vu le taux de prévalence cela était surprenant de ne pas en entendre parler plus que cela. J’ai très vite qualifié cette maladie de bouche à oreille : « Je connais une personne dans mon entourage qui souffre de fibrome , ma sœur, ma cousine, l’amie de l’amie de.» Infirmière de profession loin du domaine gynécologique, avant de tomber malade je ne savais absolument pas ce que c’était des fibromes, et je suis peut-être la première personne à blâmer… Comment aurais je pu savoir ? Maintenant que je le sais, je souhaite rattraper le temps perdu, car il n’est jamais trop tard pour aider d’autres femmes. J’utilise ma plume pour pouvoir donner du sens à cette maladie sans nom, mais aussi du sens et de la reconnaissance à ces femmes qui souffrent en silence en mettant des mots sur leurs « maux » de ventre en décidant de créer un blogue : Fibromelle.

Nous ne savons pas encore quelle est la principale cause des fibromes. Malheureusement il y’a peu de recherche même au niveau mondial qui traite du sujet. Nous ne mourrons pas du fibrome vous comprenez et ce n’est pas un cancer, alors ou est le problème ? Mais les statistiques sont la : une femme sur cinq en âge de procréer, ce n’est pas rien.

J’ai attendu un an avant de pouvoir m’exprimer et parler de cette maladie si intime pour faire avancer les choses à grande échelle. Ce n’était pas un plaisir de créer ce blogue, mais une nécessité, un réel besoin. Moi qui ne connaissait absolument rien des fibromes, me voilà, au fur et à mesure, devenue une experte en la matière.

Première conférence en avril, je découvre en moi un talent d’oratrice avec un brin de stress dans la voix, l’envie de partager mon vécue se ressent dans mes gestes et mes paroles devant un public de jeunes femmes très attentives qui n’avait jamais entendu parler de fibromes ou qui ne s’était pas réellement soucié de leur santé globale jusqu’à aujourd’hui encore moins gynécologique. Deuxième et troisième conférence dans les prochains mois qui suivent. Multiplier les initiatives pour conscientiser la population, le système de santé, les femmes, mais aussi les médias pour enfin considérer cette maladie comme elle le devrait en 2015.

fibromeAvec du recul, je m’aperçois que toute seule les choses ne peuvent se faire, l’idée de monter un collectif pour défendre le droit à la santé afin de représenter l’ensemble de ces femmes est nécessaire. Lors de mes déplacements, je rencontre ces nombreuses femmes atteintes de fibromes aux différents profils : myomectomie, utérus fibromateux, hystérectomie, embolisation artérielle, médicaments. Toutes ces femmes ont sur leur visage un sentiment de lassitude, de douleur, mais d’émerveillement lors que je leur parle du blogue. Certes cela ne réglera pas sur un plan médical leur problème (bien qu’à long terme une forte mobilisation pourrait faire avancer les choses concernant la recherche médicale ), mais une plateforme pour ne pas se sentir seule, car nous nous nous comprenons et sommes toutes liés à travers les différents symptômes handicapants notre vie au niveau social, professionnel et familial.

Touche pas à mon utérus

Aujourd’hui les traitements proposés sont limités, agressifs, et dispendieux (ménopause artificielle : 400 $) et aucun traitement à l’heure actuelle ne fait disparaît le fibrome, hormis le traitement chirurgical par l’ablation de l’utérus. À mes yeux, l’hystérectomie n’est pas un traitement, mais une facilité sachez le.

Les fibromes utérins coûtent au système canadien de soins de santé plus de 130 M$ par année en procédures chirurgicales seulement. Il est temps de faire quelques choses, ne pensez-vous pas ?

Pour une santé au féminin

Il est primordial que le fibrome soit reconnu en tant que véritable enjeu de société et de santé publique par le corps médical, les gynécologues, les médias, les médecins traitants, les personnes non concernées directement, mais aussi les femmes atteintes de fibrome. Aujourd’hui, j’ai 32 ans, 4 fibromes, dont un de 6 centimètres, je n’attendrais pas d’avoir la ménopause pour qu’on me retire mon utérus. La mobilisation commence maintenant. Aujourd’hui est le premier jour où j’ai décidé de faire la guerre aux fibromes utérins. Ensemble nous sommes plus fortes.

– Aïssatou Sidibé, alias Fibromelle.