Nous sommes nombreuses à nous sentir inquiètes à l’idée de prendre des hormones à la ménopause. L’information est contradictoire.

Une lectrice nous a interpellée pour connaitre notre position sur les hormones bio-identiques, car nous discutons seulement des hormones classiques remboursées par l’assurance-médicament dans notre fascicule Le traitement hormonal (THS) (2009) et dans le dépliant du même nom (2010, 2013). Commençons par distinguer les premières des secondes.

Hormones classiques versus hormones bio-identiques

Hormones classiques

Aussi appelées hormonothérapie substitutive (HTS ou HT), PremPro (Premarin + Provera); le Premarin est fabriqué à partir d’hormones de juments enceintes, des estrogènes qui ne se trouvent pas dans le corps des femmes, et qui provoquent plusieurs effets secondaires.

Hormones bio-identiques

Synthétisées en laboratoire à partir d’extraits de soya et d’igname sauvage, leur structure moléculaire correspond à celle des hormones présentes dans le corps humain; elles peuvent être individualisées et composées en pharmacie.

Contexte

Dans les années 1990, l’hormonothérapie dite de substitution était massivement prescrite aux femmes à la ménopause, en particulier PremPro (Premarin + Provera). Évoquer le moindre inconfort suffisait pour obtenir un traitement pour ses « symptômes ». Dans le milieu médical, malgré les études contradictoires, on croyait aux vertus préventives de ces médicaments. Après la fameuse étude de la WHI (Women Health Initiative), interrompue en 2002 parce que les risques du PremPro l’emportaient sur les bienfaits, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) révisa ses directives. Il est devenu aujourd’hui la norme de conseiller aux femmes d’adopter d’abord un mode de vie sain pour diminuer les bouffées de chaleur, la sécheresse vaginale et autres inconforts. Si ces premières mesures ne donnent pas de résultats et en cas de symptômes vraiment invalidants, la SOGC recommande aux médecins de peser le pour et le contre de la prise d’hormones (classiques), et de prescrire la dose la plus faible possible pour la durée la plus courte possible.

Contre-offensives et controverses

L’étude de la WHI avait été financée par la compagnie Wyeth dans l’espoir de prouver les effets préventifs du PremPro. Raté. Considérant la chute dramatique des prescriptions qui suivit, l’industrie tenta de réhabiliter ce traitement et se mit à la recherche de « fenêtres d’opportunité », c’est-à-dire d’un profil précis des femmes à qui le traitement profiterait. Par exemple, l’étude “Kronos Early Estrogen Prevention Study” (KEEPS) lançait en 2012 un communiqué de presse largement diffusé annonçant que le traitement hormonal pouvait prévenir les problèmes cognitifs et les maladies cardiovasculaires lorsque prescrit au tout début de la ménopause (Critical Period Theory). En juillet 2014, certains résultats ont finalement été publiés contredisant les hypothèses premières. Mauvais temps pour les hormones prescrites en prévention.

En marge du Big Pharma, des médecins tels que le renommé Dr John Lee prescrivaient depuis plusieurs années des hormones bio-identiques (HB). L’étude de la WHI a ouvert les yeux de plusieurs médecins qui ont commencé à recommander les HB à leurs patientes, parce qu’elles sont reconnues entrainer moins d’effets secondaires. Sont-elles par ce fait complètement fiables? Difficile à dire.

Les hormones bio-identiques ne sont pas encore « mainstream », mais elles dérangent les compagnies pharmaceutiques qui clament l’absence d’études scientifiques rigoureuses et convaincantes sur leur innocuité et leur efficacité. Effectivement, pas facile de financer des études de grande envergure pour des produits « alternatifs ». La confusion au sujet des hormones tant classiques que bio-identiques a gagné tout le milieu médical. Pour saisir l’ampleur des désaccords, lire cet article résumant les positions des Dres Demers, Dodin et Moreau. La SOGC quant à elle se replie sur ses positions conservatrices.

Oui aux hormones bio-identiques…

Pour l’instant, les études disponibles portent à croire que les hormones bio-identiques sont une solution plus sécuritaire et plus efficace que les hormones classiques pour certaines femmes souffrant d’inconforts sérieux à la ménopause. Cherchez ailleurs les certitudes, nous n’en aurons pas.

Mais…

Voici deux réserves. Il est troublant de constater que certaines des plus ardentes défenderesses des hormones bio-identiques les décrivent comme un remède miracle au point d’en perdre leur honnêteté intellectuelle. Et elles en vendent, d’où une petite odeur de conflit d’intérêts qui attire la méfiance.

Qu’on le veuille ou non, nous avons encore souvent affaire à une vision médicale de la ménopause. Dans cette optique, que partage par exemple la Dre Sylvie Demers, il faut remplacer les hormones manquantes, combler le « déficit en hormones féminines » dû à une « insuffisance ovarienne associée au vieillissement des ovaires. »

Notre avis

Selon nous, la ménopause n’est pas une maladie! C’est une étape naturelle, normale dans la vie d’une femme, tout comme enfanter et vieillir. Toutefois, notre alimentation, notre mental, notre travail, nos conditions de vie, notre environnement toxique perturbent nos hormones et parfois, nous avons l’« impression de devenir folles »! Dans ce cas, et si les effets bénéfiques des modifications à ses habitudes de vie ne sont pas à la hauteur, les hormones bio-identiques peuvent représenter une meilleure solution que les hormones classiques, avec les mêmes précautions d’usage. C’est notre avis, à la lumière de la documentation examinée.

À la ménopause, prenons le temps de faire le point et de chercher des solutions pour équilibrer nos hormones. Et pour les plus jeunes, prenons conscience qu’il vaut mieux prévenir… le mitan de la vie commence tôt!

Isabelle Mimeault, responsable de recherche (RQASF)

Sources

Boothby, Lisa A. and Paul L. Doering (2008). “Bioidentical hormone threrapy : a panacea that lacks supportive evidence”, Current opinion in Obstetrics and Gynecology, no 20, p. 400-407. Seul le résumé est disponible en ligne.

Demers, Sylvie (2008). Hormones au féminin : Repensez votre santé, Montréal, Les Éditions de l’Homme.

Derzko, Christine (2010). « Hormonothérapie bio-identique à la ménopause » (PDF), Endocrinologie ─ Conférences scientifiques, Vol. 9, no 6

Holtorf, Kent (2009). “The Bioidentical Hormone Debate: Are Bioidentical Hormones (Estradiol, Estriol, and Progresterone) Safer or More Efficacious than Commonly Used Synthetic Versions in Hormone Replacement Therapy?”, Postgraduate Medicine, Vol. 121, Issue 1 (Jan.).

Holtorf, Kent (site de sa clinique).

Lundin, Mia (2011). Aux femmes qui ont l’impression de devenir folles : Cessez de souffrir en silence, Montréal, Les Éditions de l’Homme.

National Women’s Health Network (2014) “Menopause Hormone Therapy: Timing Doesn’t Matter.”

National Women’s Health Network/Cynthia Pearson (2014) “Two years too late? Researchers announce hoped-for results, stall on revealing actual data.”

Northrup, Christiane (2010). La sagesse de la ménopause, Varennes, Éditions ADA.

Radio-Canada (2012). L’après-midi porte conseil, Interview de Dr Luc Bessette et Dr Marc Drouin (25 janvier)

RQASF (2009) Le traitement hormonal (PDF), Montréal, RQASF

www.santedesfemmes.com : « Le sevrage des hormones d’ordonnance »

Savoie, Réjean et Gemma A. Gallant (2014). La ménopause au jour le jour, Austin (Québec), Éditions Berger.