Par Stephanie-May Ruchat, professeure au Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

Que savons-nous de l’activité physique après l’accouchement ?

Les comportements de santé, comme l’activité physique, évoluent selon les étapes de vie d’une femme (puberté, maternité, ménopause, vieillesse). Certaines de ces étapes constituent des « fenêtres d’opportunité » ou de vulnérabilité pour l’adoption ou le maintien d’un mode de vie actif. La période de la vie entourant la maternité (de la préconception jusqu’à la grossesse) est une fenêtre d’opportunité. Les femmes seront davantage réceptives au messages entourant les saines habitudes de vies, en étant plus enclines à adopter ou à renforcer une pratique d’activité physique pour favoriser une grossesse (lire : les saines habitudes de vie ont une influence positive sur la fertilité) et pour la santé du bébé (lire : l’activité physique pendant la grossesse est bénéfique pour la santé maternelle et néonatale). Mais elle peut aussi être une période de vulnérabilité en raison de la fatigue, des inconforts et des craintes pour la sécurité du fœtus. La période qui suit l’accouchement est quant à elle un moment critique où les comportements de santé, dont l’activité physique, peuvent être négligés, sans soutien structuré. Les femmes se posent alors de nombreuses questions :

🤔 Est-ce que je peux (re)commencer à faire des activités physiques après mon accouchement ?

🤔 Quand est-ce que je peux (re)commencer à faire des activités physiques après mon accouchement ?

🤔 Quelles activités puis-je faire ?

L’activité physique après l’accouchement : croyances et science

Pendant des décennies, on conseillait aux nouvelles mères d’attendre six semaines après l’accouchement, soit la visite postnatale, avant de (re)commencer leurs activités physiques. Une reprise graduelle était recommandée, mais sans plus de précision quant à la fréquence, l’intensité, et le type d’activité physique. Toutefois, ces recommandations générales et peu spécifiques ne conviennent pas, car les expériences d’accouchement sont très différentes d’une femme à l’autre, tout comme leurs attentes en ce qui concerne la reprise de l’activité physique après l’accouchement. Aussi, certaines femmes sont prêtes à reprendre leurs activités physiques rapidement, alors que d’autres ne le sont qu’après plusieurs mois. 

Les semaines suivant l’accouchement sont marquées par une multitude de défis physiques et émotionnels. Les bouleversements hormonaux, le manque de sommeil et la fatigue peuvent rendre difficile la reprise de l’activité physique. À cela s’ajoutent l’allaitement, les dysfonctions des muscles du plancher pelvien et les enjeux de santé psychologique qui touchent de nombreuses femmes en postpartum. Tous ces facteurs contribuent aux nombreuses questions que les femmes se posent sur la sécurité et le bon moment pour (re)commencer des activités physiques durant les premières semaines et mois après l’accouchement. 

Impact de l’activité physique après l’accouchement 

Les données sont claires : l’activité physique modérée à vigoureuse (APMV) après l’accouchement procure de nombreux bienfaits pour la santé maternelle. Elle permet notamment de réduire de 45% le risque de dépression postpartum, tout en diminuant la sévérité des symptômes de dépression et d’anxiété. Ces résultats ont une portée importante, puisque la dépression postpartum affecte de nombreuses femmes (plus de 1 femme sur 5) et qu’elle affectera plusieurs membres de la famille, non seulement la mère elle-même, mais aussi le père ou le.la partenaire, le bébé, les autres enfants de la famille et les proches, et ce, dans divers aspects de leur vie. L’APMV procure d’autres bienfaits, comme une diminution de la sévérité des douleurs lombopelviennes, une amélioration des changements de poids et d’indice de masse corporelle et une diminution des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (diabète de type 2, niveaux de lipides sanguins). Malgré ces bienfaits, choisir entre se reposer ou faire de l’activité physique durant les rares moments de répit représente un dilemme constant pour les nouvelles mères. 

Les plus récentes données indiquent que l’activité physique améliore la qualité du sommeil et réduit la fatigue. Les heures de sommeil ne vont pas s’allonger, le sommeil sera peut-être souvent interrompu, mais lorsque la femme dormira, elle dormira mieux !

Il est important de souligner que l’activité physique après l’accouchement procure ces nombreux bienfaits tout en étant sécuritaire, autant pour la mère (aucun risque accru de blessures ou d’événements indésirables) que pour le bébé (pas de diminution de la qualité ou de la quantité du lait maternel).

Souligner l’importance de (re)commencer à pratiquer de l’activité physique après l’accouchement pour améliorer le bien-être psychologique, la qualité de sommeil et la fatigue est important. Souligner l’importance du soutien de l’entourage (partenaire, famille) et de la société pour aider les nouvelles mères (re)commencer la pratique d’une activité physique après l’accouchement est aussi indispensable.

Les grandes questions : Qui ? Quand ? Comment ? Ce que recommandent les nouvelles directives canadiennes

Pour rassurer la grande majorité des femmes qui ont récemment accouché qu’elles peuvent (re)commencer l’activité physique, et pour identifier le petit nombre d’entre elles pour qui l’activité physique n’est pas conseillée et qui devraient consulter une ou un prestataire de soins de santé primaires  avant de (re)commencer une activité physique, le questionnaire Menez une vie plus active pendant la période postpartum a été conçu. Il s’agit d’un questionnaire que les femmes peuvent remplir par elles-mêmes pour s’autoévaluer et se sentir à l’aise pour pratiquer une activité physique.

Grâce aux Directives canadiennes sur l’activité physique, la sédentarité et le sommeil au cours de la première année postpartumnous avons enfin des réponses claires et précises pour plusieurs questions que se posent les femmes, réponses qui devront être adaptées selon le contexte postpartum de la nouvelle mère. 

Quand et comment (re)commencer l’activité physique après l’accouchement ? 

🎯 Selon leur tolérance, les femmes devraient (re)commencer dans les jours/semaines qui suivent l’accouchement des activités physiques d’intensité légères et non structurées (par exemple, la marche lente, des exercices doux au sol, des exercices de renforcement des muscles du plancher pelvien) pour favoriser la récupération, le sommeil et la guérison. 

Les exercices de renforcement des muscles du plancher pelvien (rééducation périnéale) peuvent être (re)commencés rapidement après l’accouchement, en consultant un.e physiothérapeute en rééducation périnéale et pelvienne1. Il est important que les femmes reconnaissent les symptômes de dysfonctionnements du plancher pelvien et consulte un spécialiste de la santé pelvienne si nécessaire.

🎯 Le passage de l’activité physique d’intensité légère à l’APMV doit se faire progressivement, de manière individuelle et graduelle, et une fois que les incisions chirurgicales ou les déchirures périnéales sont suffisamment cicatrisées et que les saignements vaginaux (lochies) n’augmentent pas avec l’APMV. 

🎯 L’APMV devrait être (re)commencée au cours des 12 premières semaines après l’accouchement pour optimiser les effets de l’activité physique sur le bien-être psychologique de la mère.

Combien faut-il faire d’activité physique et lesquelles choisir ? 

🎯 Pour optimiser les effets de l’activité physique sur la santé maternelle, au moins 120 minutes d’APMV par semaine, étalées sur 4 jours ou plus, sont recommandées. Répétons encore une fois l’importance de progresser à son rythme. Tout progrès, aussi minime soit-il, dans l’atteinte des recommandations, peut améliorer la santé physique et psychologique de la mère. 

🎯 Choisir une variété d’activités physiques (cardiovasculaire et de renforcement musculaire) mais surtout celles qui procurent du PLAISIR !

Comment mettre en œuvre ces recommandations ?

🚧🛑 Les barrières à l’activité physique

La période postnatale peut être parsemée de nombreux facteurs qui peuvent influencer la capacité à (re)commencer une APMV, notamment :

  • Les difficultés émotionnelles, de détresse ou encore de dépression  
  • Les douleurs musculosquelettiques, la cicatrisation des plaies
  • La fatigue et les troubles du sommeil
  • La peur du mouvement
  • L’allaitement, les troubles de l’alimentation (par exemple l’anorexie mentale, la boulimie, l’accès hyperphagique) et le manque de soutien

Il va sans dire que des déterminants sociaux tels que la précarité économique, l’isolement social, l’appartenance à des groupes minoritaires représentent des barrières réelles et supplémentaires à ces facteurs. Ils devraient être reconnus afin de favoriser un environnement et un soutien facilitant une reprise de l’activité physique sécuritaire, saine et dans le plaisir pour toutes les femmes.

👤🎯 Une approche individualisée

Mettre l’accent sur une progression graduelle vers l’activité physique, adaptée aux :

  • Type d’accouchement (vaginal ou par césarienne)
  • Symptômes physiques (par exemple, douleurs, cicatrisations des plaies)
  • Circonstances personnelles

Le déconditionnement physique après l’accouchement est normal, même chez les femmes qui étaient actives pendant la grossesse.

🤱🍼 Allaitement et activité physique

L’allaitement augmente les besoins énergétiques (450-500 kcal/jour) donc une alimentation et une hydratation adéquates sont essentielles avec la reprise des APMV. Celles-ci n’ont aucun effet négatif sur la qualité et la quantité du lait maternel ou sur la croissance du nourrisson. L’allaitement est parfois une barrière à l’activité physique. Suivre ces conseils pourra aider à les amoindrir :

  • Le port d’un soutien-gorge de soutien et non restrictif
  • L’allaitement ou l’utilisation d’un tire-lait avant l’activité physique pour réduire l’inconfort

Messages clés

👣 Chaque petit pas compte : même une activité minimale est bénéfique pour la santé.
🧩 Une approche personnalisée et les réseaux de soutien (famille, amis, prestataires de soins de santé) sont essentiels.
📈 Tout le monde n’atteindra pas d’emblée ni nécessairement toutes les recommandations – la progression est plus importante que la perfection.

Stephanie-May Ruchat est co-directrice du groupe interdisciplinaire de recherche appliquée en santé (GIRAS) de l’UQTR, présidente de l’association québécoise des sciences de l’activité physique (AQSAP), co-responsable de l’axe «Naitre et vivre en santé» du Réseau CommunAutés Rurales et Éloignées en Santé (CARES) et co-porteuse de l’axe «Prévention et réadaptation» de l’Infrastructure de Recherche en Prévention et Promotion de la Santé (IRPPS) du CIUSSS MCQ. @ stephanie-may.ruchat@uqtr.ca

  1. (1) Note éditoriale du RQASF, qui ne constitue pas une recommandation de l’autrice : nous ajouterions l’ostéopathie à la physiothérapie. ↩︎