Lors d’une visite en nos locaux, Louise Loubier-Morin, directrice de SAFERA, organisme membre sympathisant du RQASF, venait nous présenter la mission de son association : la prévention du syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) et des effets de l’alcool sur le fœtus (EAF). Son souhait : sensibiliser le RQASF et ses membres à l’importance de prévenir le SAF.

Les troubles causés par l’alcoolisation fœtale comprennent des signes d’altération de la croissance prénatale et postnatale; des anomalies faciales; des atteintes neurologiques (impacts : structure cérébrale, communication, rendement scolaire, déficit de l’attention/hyperactivité, aptitudes sociales, etc.).

Comment prévient-on le SAF et les EAF? Tout simplement en s’abstenant de boire de d’alcool durant la grossesse. C’est d’ailleurs le message lancé par les autorités médicales (PDF). À souligner toutefois que le SAF survient davantage parmi les populations défavorisées dont les conditions de vie sont difficiles. Des causes multifactorielles, bien sûr.

Selon une présentation de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) aux Journées annuelles de santé publique en 2010, la fréquence des troubles d’alcoolisation fœtale est mal connue parce que leurs symptômes ne sont pas distinctifs. De plus, nous ne connaissons pas la quantité d’alcool à ne pas dépasser ni quel serait le moment de la grossesse où l’alcool peut causer de tels dommages. Bref, il semble que l’abstention soit l’option la plus sécuritaire.

Cette question est difficile à aborder, nous confiait Louise, car le sujet est tabou, particulièrement au Québec. En effet, de nombreuses Québécoises (environ 25 %) consommeraient de l’alcool durant leur grossesse, comparativement aux autres femmes du Canada (environ 10 %).

Dans un récent courriel, Louise ajoute :

Notre message est que la prévention du SAF est une responsabilité personnelle mais aussi collective: conjoint, père, famille, professeurs, médecins, infirmières, industrie de l’alcool, bref tout le monde dans la collectivité est ou devrait se sentir concerné. La prévention du SAF ne repose pas uniquement sur les épaules des femmes. Mais les femmes ont aussi le droit absolu d’être renseignées sur cette question pour éviter notamment les remords. Beaucoup de mères qui étaient peu informées des effets de l’alcool pendant la grossesse, ou qui ont été mal informées, et ont aujourd’hui un enfant atteint de SAF, ou porteur d’anomalies congénitales causées par l’alcool, ou aux prises avec des difficultés d’apprentissage probablement attribuables à leur comportement pendant la grossesse vivent une intense culpabilité. Celles qui ont des difficultés à cesser de consommer ont aussi droit à des services spécialisés pour les soutenir pendant la grossesse : or ces services sont peu structurés au Québec contrairement à ce qui se passe ailleurs au Canada (programme « Breaking the Cycle » de Toronto, Sheway à Vancouver) parce qu’on ne connait pas vraiment le SAF et toutes ses implications. D’où la nécessité de diffuser l’information notamment dans le réseau de la santé des femmes pour qu’elles puissent s’approprier la question et faire les revendications nécessaires. Seul, SAFERA n’y arrive pas.

Et oui, le sujet demeure sensible, vous devinez pourquoi : du conseil de ne pas boire d’alcool pendant la grossesse, peut-on glisser à l’obligation? Cette problématique peut facilement glisser vers des approches punitives incriminant les femmes. Aux États-Unis, une étude rapportée dans le livre de madame Loubier-Morin* démontre qu’en Floride, le taux de signalement de femmes enceintes Noires consommant de l’alcool était dix fois plus élevé que celui de femmes Blanches dans la même situation. Cela ouvre la porte à la discrimination et à la criminalisation de tout comportement jugé à risque pour le fœtus; sans compter le risque, dans cette affaire, d’accorder des droits spécifiques au fœtus, fer de lance des organisations « anti-choix », contre le droit à l’avortement au Canada.

Encore une fois, cette problématique rappelle l’importance primordiale de la diminution des inégalités de santé par des politiques de santé publique multisectorielles, incluant la promotion de la santé et l’éducation à la santé, bref par l’intégration d’une vision globale de la santé qui prenne en compte les déterminants sociaux de la santé.

À l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation au syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF), le 9 septembre prochain, Santé publique France et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) lancent une importante campagne d’information multicanal de septembre à fin novembre. L’objectif est de rappeler les effets néfastes de la consommation d’alcool pendant la grossesse et la nécessité d’adopter le réflexe « Zéro alcool pendant la grossesse ».


* Louise Loubier-Morin, Enfants de l’alcool, Ed. SAFERA, 2004.


Références

Syndrome d’alcoolisation fœtale : pour éviter tout risque, « zéro alcool pendant la grossesse » – Sante publique France, 2015.